Un guide pour le testing des nerfs crâniens
Dernière mise à jour : 2 juin
Taylor A, Mourad F, Kerry R, Hutting N. A guide to cranial nerve testing for musculoskeletal clinicians. J Man Manip Ther. 2021 Dec;29(6):376-389. doi: 10.1080/10669817.2021.1937813. Epub 2021 Jun 29. PMID: 34182898; PMCID: PMC8725776.
https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/10669817.2021.1937813
Remerciement aux auteurs qui nous ont autorisé à utiliser les illustrations de leur publication.
Dear N.Hutting, F. Mourad, R. Kerry and A. Taylor, if you read these words, thank you very much
Les auteurs abordent ce sujet en soulevant l’idée que si les kinésithérapeutes, et par extension d’autres cliniciens, prétendent pouvoir être consultés en première intention dans le champ musculo-squelettique et notamment en cas de douleurs cervicales, de céphalées ou de douleurs oro-maxillo-faciales, ils doivent avoir connaissance des signes d’alerte pour être capables d’intégrer dans leur raisonnement clinique une suspicion de dysfonctionnement des nerfs crâniens. Être capable de prendre une décision en présence de signes évocateurs. Lorsque l’on connaît les errances thérapeutiques dans les cas de dysfonctions temporo-mandibulaires, les erreurs diagnostics, ainsi que les méconnaissances quant aux classifications des céphalées, même en cas de consultations ordonnées l'examen clinique reste primordial afin de pouvoir trier si nécessaire ou d’évoquer des pathologies sérieuses qui auraient été trop vite éliminées. Les auteurs évoquent que pour des raisons qui restent mystérieuses, la majorité des kinésithérapeutes sont bien formés pour détecter des pathologies impliquant le système nerveux des membres supérieurs et inférieurs, mais très mal ou de manière insuffisante pour les nerfs crâniens. Ils ont d’ailleurs effectué un sondage rapide sur twitter auprès de 600 praticiens, dont l’immense majorité évoque se sentir peu en confiance avec l’examen des nerfs crâniens.
Les auteurs font une réflexion intéressante quant à la négligence de l’examen des nerfs crâniens depuis l’émergence et le développement de l’imagerie médicale, alors même qu’il faisait partie intégrante d’une routine de l’examen neurologique. Sont retrouvées des traces de ce testing dans la littérature allant jusqu’au XIX siècle. Les discordances radio-cliniques sont assez documentées, pour que cet examen physique soit réintégrer dans la routine des cliniciens, afin d’avoir justement des arguments cliniques pour prendre des décisions. Ils recommandent également aux kinésithérapeutes d’intégrer que l’examen clinique n’est pas que du ressort du médecin.
Il est retrouvé dans la littérature que les cervicalgies, les céphalées et les douleurs oro-faciales peuvent être des signes évocateurs de dissection artérielle pouvant précéder un AVC, dans les 14 jours suivant leur apparition. Ainsi une paralysie dite “subtile” venant d’une dysfonction des nerfs crâniens peut être une caractéristique d’une pré-ischémie précédent une dissection artérielle carotidienne, dûe à la proximité anatomique des nerfs crâniens bas (IX, X et XII) avec la gaine carotidienne.
Par ailleurs la possible présence d’une lésion des nerfs crâniens bas doit être intégrée dans le raisonnement clinique dans les cas suivants :
- Cervicalgie et céphalée concomitantes
- Névralgie
- Dysarthrie
- Déglutition dysfonctionnelle
- Toux dysfonctionnelle
- Perte de goût
- Dysphagie (difficulté ou impossibilité à avaler les aliments, avec fausses routes courantes)
- Douleurs pharyngées
- Atteintes cardiaques ou gastro-intestinales
- Faiblesse du trapèze, du SCOM ou des muscles de la langue
Le but, comme tout examen clinique, est de trier les patients qui pourraient avoir besoin d’investigation plus poussées, afin d’éliminer des hypothèses cliniques graves. En connaissant les fonctions des différents nerfs crâniens, certaines informations lors de l’entretien pourront éveiller la curiosité du clinicien qui décidera d’effectuer ces tests. Ou bien dans des cas d’aggravations de certains signes, ou de manque de réversibilité lors des traitements en séance de kinésithérapie. C’est en fonction du tableau retrouvé après le testing, de sa gravité, ou de sa vitesse d’aggravation, que le clinicien décide de référer avec une notion d’urgence plus ou moins forte.
Les auteurs rappellent que certains nerfs crâniens ont des fonctions sensorielles, d’autres motrices, et enfin quelques-uns ont une fonction mixte. Ils sont ainsi impliqués dans la vision, l’odorat, l’audition, le goût et la sensibilité faciale. Mais aussi dans la motricité oculaire, les mouvements de la tête, de la face, des cervicales, des épaules, de la mâchoire et de la langue, et donc notamment l’élocution, la déglutition. Nous pouvons lire aussi que les mécanismes pouvant provoquer des déficiences des nerfs crâniens sont multiples, comme les compressions locales, les inflammations, les infections, une atrophie ou une démyélinisation. Il apparaît essentiel que les cliniciens acquièrent certaines connaissances à propos de ces mécanismes, ainsi que des fonctions de chaque nerf afin qu’ils puissent interpréter les résultats des tests.

Les auteurs insistent sur le fait que contrairement aux idées reçues, exécuter un examen neurologique des nerfs crâniens est rapide et ne nécessite pas de matériel particulier. En tout est pour tout il faut être équipé d’un diagramme de Snellen (ou d’une page de journal), d’une lampe-stylo ou d’une petite lampe de poche, de neurotips, d’un bout de coton et d’abaisse langue.
En terme de méthode certains feront selon l’ordre de nerfs, mais regrouper par fonction semble plus adéquate, plus rapide, plus efficient.

Odorat et Audition
Nerf Crânien I - Nerf olfactif :
Demander au patient de fermer les yeux et une narine, et placer une source d’odeur connue. Les auteurs proposent du savon, du parfum ou du café. Le patient doit identifier si possible l’odeur. Le clinicien note la différence entre les deux côtés.

Nerf crânien VIII - Nerf Vestibulo-Cochléaire :
Le clinicien fait claquer ses doigts près d’une oreille, puis de l’autre, du patient qui a les yeux fermés. Noter la différence. Si différence, on utilise un diapason de 256 Hz pour effectuer les tests de Rinne et de Weber. Pour le test de Rinne, le diapason est mis en vibration et il est appliqué sur le mastoïde, puis aux abords de l’oreille homolatérale. Chez un sujet qui a une audition normale, le son perçu par la conduction de l’air est plus efficace que le son perçu par conduction osseuse.

Pour le test de Weber, le diapason est mis en vibration au sommet du crâne, le son doit être perçu de manière équivalente des deux côtés.

L’examen des yeux : NC II, III, IV et VI
Commencer par questionner sur la présence de toute perturbation de vision (diplopie…), puis observer les yeux. Leur taille, leur forme et la symétrie.
Nerf Crânien II - Nerf optique :
Pour la vision, vous pouvez demander à votre patient de lire un texte en cachant un œil puis l’autre. Noter la différence. Le sujet doit mettre ses lunettes s' il en possède. Ou sinon lui faire lire le diagramme de Snellen à une distance de 30 / 40cm.
Pour le champ visuel, le sujet fixe l’opérateur dans les yeux. L’opérateur place un doigt devant le champ de vision et l’écarte en tendant le bras sur le côté. Les yeux du patient ne doivent pas suivre le doigt qui se déplace. Lorsque le sujet dit ne plus voir le doigt, c’est qu’il est sorti de son champ de vision. Comparer les deux côtés.

Nerf Crânien III - Nerf oculomoteur :
Le patient tend son bras devant lui et dresse son doigt. Il rapproche son doigt vers son visage, les yeux suivent le déplacement du doigt pour tester la convergence. Noter le différence.
Pour la réaction de la pupille à la lumière, faire passer une lumière devant les yeux et observer le myosis (contraction de la pupille) et la mydriase (dilatation de la pupille). Elles doivent être immédiates. Sinon noter les différences.
Nerfs Crâniens III, IV et VI - Nerfs Oculomoteur, Trochléaire et Abducens :
Tracer un H avec le doigt, dans l’air, à 30-40 cm de son visage. Observer l’attitude des yeux, et l’apparition éventuelle d’un nystagmus. On peut essayer de noter la direction du déficit s’il y en a un.
Examen de la face, de la mâchoire, des muscles peauciers, de la gorge et de la langue
Commencer par observer des asymétries de la face, du cou et/ou des épaules.
Nerf Crânien V - Trigéminal (sensitif) :
Test sensitif grâce à un bout de coton et une aiguille émoussée, aux différents étages du visage. Puis le réflexe cornéen est exécuté en touchant très légèrement la cornée pour voir le clignement des deux yeux.

Nerf Crânien V - Trigéminal (Moteur) :
Puissance du serrage de la mâchoire. On test les masséters, les temporaux et les ptérygoïdiens.
NC VII - Nerf facial :
On teste les mimiques du sujet, en observant des asymétries : hausser/froncer les sourcils, fermer les yeux contre résistance, montrer les dents, gonfler les joues. Éventuellement sourire dents recouvertes, dents découvertes. Exécuter une houpe.
NC IX - Nerf glossopharyngien :
Demander au patient une déglutition et lui demander si tout lui paraît normal. Penser à lui demander si dernièrement lors de son alimentation et son hydratation rien ne lui est apparu difficile. Tester également le réflexe nauséeux en introduisant d’un côté puis de l’autre, délicatement, un abaisse langue. Cela évalue simultanément le IX et le X.
NC X - Nerf vague :
Le sujet ouvre la bouche et dit “Aaaaa”. Observer le fond de la gorge. Le palais mous doit s’élever des deux côtés de la même manière avec la luette.

NC IX et X :
Noter un enrouement de la voix. Questionner le patient à ce propos, voir si cela est récent. Et voir si son rauque à la toux.
NC XII - Nerf hypoglosse :
Observer la langue avec attention. Voir si atrophie, asymétrie. Voir si blessure éventuellement, si le sujet se mord la langue. Puis évaluer la force en demandant au sujet de pousser avec sa langue dans sa joue, puis dans l’autre. L’examinateur contrarie la poussée contre la joue.
Fonction motrice de la tête, de la nuque et des épaules
NC XI : nerf accessoire
Tester la force en contrariant la rotation de la tête (SCOM) et le haussement des épaules (chef supérieur du trapèze)
