Qu’est-ce que l'hypnose ?
De prime abord, trouver une définition ferme de l’hypnose est compliqué. Visiblement le terme apparaît dans le courant du XIXème siècle, et est attribué au Docteur James Braid qui aura adapté les techniques vues chez Mesmer, pour les utiliser dans sa pratique médicale.
Lors de ses séances, il associera par observation le comportement de ses patients au sommeil, donc au Dieu grec du même état, Hypnos¹.
L'hypnose est définie par l'American Psychological Association (APA) comme un état de conscience caractérisé par une attention élevée et une conscience périphérique réduite, avec une capacité accrue de réponse à la suggestion.
L'induction hypnotique est le processus déclenchant l'hypnose, tandis que l'hypnoticabilité désigne la capacité individuelle à expérimenter des altérations suggérées de la physiologie, des sensations, des émotions, des pensées et des comportements pendant l'hypnose.
L'hypnothérapie, quant à elle, utilise l'hypnose pour aider dans des affections médicales ou psychologiques.
Plus globalement, donc, nous pourrions entendre que l’hypnose est un état de concentration et de conscience propice à ce que des suggestions puissent avoir un impact sur les sensations, les perceptions, les pensées et les comportements des sujets.
Quels sont les effets de l'hypnose sur la douleur ?
Pour comprendre l’intérêt de l'hypnose, il faut intégrer le modèle actuel de compréhension du phénomène douleur et être à jour sur ce point.
Pour faire vite et vulgariser : La douleur est une capacité de notre système nerveux. Non de notre structure.
Notre système nerveux central (cerveau et moelle épinière - dans certains cas de douleurs la moelle épinière sera impliquée seule) reçoit des informations mécaniques, thermiques et chimiques qui remontent depuis les capteurs répartis en périphérie de la structure.
Ces informations vont être traitées et faire l’objet d’une réaction, ou non. La réaction peut être le déclenchement d’une douleur, et parfois même d’une réaction motrice (Une flamme se rapproche de ma main, je ressent la chaleur/douleur, je m’échappe).
La douleur est donc un réflexe de survie à un événement interprété comme dangereux.
Néanmoins le traitement des informations montantes (nociception) va être extrêmement influencé par d’autres informations. Des informations immédiates (olfactives, visuelles, phoniques…), contextuelles (mon état général : psychologique, forme, santé générale) et de déterminisme personnel (social, culturel, éducationnel. Quel est mon rapport à la douleur ? Au danger ? Comment ai-je été éduqué à gérer, vivre la douleur ? à l’interpréter ? Par mon entourage mais aussi par la société dans laquelle j’évolue…).
Nous pourrions résumer ça par la construction cognitive personnelle de la douleur.
Nous savons aussi que le cerveau a cette capacité à réagir, à développer, à produire de la douleur sans remontées nociceptives. C’est ce qui est appelé la douleur nociplastique. C’est le modèle principal de compréhension de la douleur persistante à ce jour.
Ainsi nous pouvons produire de la douleur sans événements dangereux.
Et ainsi, nous pouvons aussi pousser le cerveau à le faire par suggestion mentale, par imagination. Il en va de même à l’inverse, nous pouvons le pousser à moduler ses perceptions et donc à modifier ses réactions.
Résultat : modification de la perception de la douleur par modification d’interprétation par le cerveau, l’hypnose.
Même s’il reste encore beaucoup d’inconnues, les études de neuroimagerie montre une réduction d’activité des réseaux cérébraux extrinsèques impliqués dans les perceptions de l’environnement et les perceptions sensorielles (Cortex cingulaire antérieur, réseau cortical et sous cortical dont cortex préfrontal, insulaire et prégénual…etc) ². Cela expliquerait alors les altérations de perceptions de la douleur induit par l’hypnose.
Quels exemples de techniques hypnotiques pour la gestion de la douleur ?
Réification :
“La réification ou ‘chosification’ est une technique [...] dans laquelle on transforme une pensée, une émotion, ou un ressenti corporel en un objet imaginaire” (Isabelle Federspiel, « La réification en autohypnose », La Revue de l'hypnose et de la santé n°13 (1/2020), pp. 13-16). Le fait de chosifier, va permettre d’avoir une action imaginative dessus :
- Ma douleur me fait penser à un clou
- quelle action pourrais je avoir dessus pour diminuer son effet
- L’enlever et l'émousser
Modification des perceptions sensorielles : Utiliser des suggestions pour altérer les sensations, comme imaginer passer des glaçons sur une brûlure ressentie.
Il en existe, bien sûr, d’autres.
L’hypnose est-elle efficace pour la gestion de la douleur ?
Nous avons accès à beaucoup de littérature sur le sujet, qui s’intéresse à l’efficacité bien sûr de l’hypnose mais aussi à ses modalités : combien de séances, espacées de combien de temps, sur une période de quelle longueur ?
Il existe maintenant des essais cliniques randomisés, des revues systématiques ainsi que des méta-analyses sur l’efficacité de l’hypnose dans le cadre de contexte de douleurs particulier (accouchement par exemple ou bien intervention chirurgicale mini-invasive) mais aussi de douleurs plus persistantes (dysfonction temporo-mandibulaire, syndrôme du côlon irritable, maux de tête…).
Les conclusions de la littérature sur le sujet sont assez claires et encouragent l’utilisation de ces techniques comme une alternative ou un complément aux autres outils utilisés dans le cadre de la prise en charge des personnes douloureuse⁴ ⁵ ⁶.
L'hypnose, par ses techniques, offrirait une alternative efficace et complémentaire aux méthodes traditionnelles de gestion de la douleur. En modifiant les perceptions et les interprétations de la douleur par le cerveau, l'hypnose pourrait améliorer la qualité de vie des patients.
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*Théo Chaumeil, kinésithérapeute, titulaire d’un Master 2, spécialisé dans le domaine du musculosquelettique et de la prise en charge de la douleur persistante et formateur passionné !
Sources :
1.Elkins, G. R., Barabasz, A. F., Council, J. R., & Spiegel, D. (2014). Advancing Research and Practice: The Revised APA Division 30 Definition of Hypnosis. International Journal of Clinical and Experimental Hypnosis, 63(1), 1–9.
2 Vanhaudenhuyse A, Laureys S, Faymonville ME. Neurophysiology of hypnosis. Neurophysiol Clin. 2014 Oct;44(4):343-53. doi: 10.1016/j.neucli.2013.09.006. Epub 2013 Oct 29. PMID: 25306075.
4 Langlois P, Perrochon A, David R, Rainville P, Wood C, Vanhaudenhuyse A, Pageaux B, Ounajim A, Lavallière M, Debarnot U, Luque-Moreno C, Roulaud M, Simoneau M, Goudman L, Moens M, Rigoard P, Billot M. Hypnosis to manage musculoskeletal and neuropathic chronic pain: A systematic review and meta-analysis. Neurosci Biobehav Rev. 2022 Apr;135:104591. doi:
10.1016/j.neubiorev.2022.104591. Epub 2022 Feb 19. PMID: 35192910.
5 Yuqing Zhang, Luis Montoya, Shanil Ebrahim, Jason W. Busse, Rachel Couban, Randi E. Mccabe, Peter Bieling, Alonso, Carrasco-labra, Gordon H. Guyatt. Hypnosis/Relaxation Therapy for Temporomandibular Disorders: A Systematic Review and Meta Analysis of Randomized Controlled Trials. Journal of Oral & Facial Pain and Headache. 2015. 29(2);115-125.
6 Zech N, Hansen E, Bernardy K, Häuser W. Efficacy, acceptability and safety of guided imagery/hypnosis in fibromyalgia - A systematic review and meta-analysis of randomized controlled trials. Eur J Pain. 2017 Feb;21(2):217-227. doi: 10.1002/ejp.933. Epub 2016 Nov 29. PMID: 27896907.
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